Comme nous vous l’annoncions dans la première partie de l’article nous laissons la parole à Vincent.
– Bonjour Vincent, on ne te présente plus et avant de parler de LUMEN, quelles sont les projets qui t’ont le plus marqués dans ta longue carrière d’illustrateur (de jeux ou non) ?
J’ai à mon actif les illustrations d’une bonne centaine de jeux. C’est toujours délicat d’en isoler certains et pas d’autres… Mais je pense plus particulièrement à Lewis & Clark et Discoveries qui m’auront permis de mettre en images un pan important de l’histoire américaine sous plusieurs formats en allant au bout du bout de la démarche et de l’exploration thématique, graphique et visuelle. Detective : City of Angels qui fut un formidable bac à sable pour expérimenter de nouvelles approches, un rapport poussé entre le texte et l’image, la narration, l’élaboration de techniques mixtes pour obtenir un rendu rétro-vintage ». Et plus récemment, The Quest for El Dorado et ses extensions où j’ai pu travailler autrement le développement d’un univers, de ses lieux, de ses personnages et ce en totale liberté car le travail éditorial se fait ici une fois que les illustrations sont terminées et non avant ou pendant comme habituellement, je livre alors des « packs » clé en main aux éditeurs et distributeurs du jeu de par le monde.
– Pour parler de ce qui nous rassemble autour de ce petit carnet d’illustrateur, peux-tu nous dire quelles sont les grandes étapes lors de chaque projet ?
Tout d’abord, j’aime avoir une connaissance approfondie du jeu, en comprenant pleinement les règles, les optiques de l’éditeur, des auteurs. Des vues 3D, des photos de parties, des mises en place du jeu, vont grandement m’aider à me projeter et à saisir la spatialisation du jeu, même avec des prototypes sans images ou très sommaires. Afin de mieux définir l’impact des illustrations en jeu, et surtout leurs fonctions.
Une fois que la liste définitive des illustrations est calée, je passe beaucoup de temps en recherches pour rassembler des documentations et références sur le thème, comme support à la création. Via le net, les livres, les films. Je travaille toujours de manière très documentée, souvent proche du docu-fiction. Pour asseoir un environnement crédible.
S’ensuit une phase de crayonnés et montages pour donner une idée de ce que j’ai en tête et les directions que je souhaite emprunter.
Cette étape validée, je me lance dans les mises en couleurs. Travaillant encore et toujours de manière dite traditionnelle avec crayons, pinceaux et peintures sur papier, les modifications et retouches « après coup » peuvent parfois être délicates et périlleuses, j’insiste donc toujours sur les préparatifs pour éviter des complications sur les images finalisées.
Enfin, après avoir scanné et étalonné les illustrations en suivant les directions des fabricants, je remets aux éditeurs des illustrations prêtes à être glissées dans les mises en pages pour l’impression.
– Ensuite, pour parler un peu plus de LUMEN, comment en êtes vous venus à cette thématique et quelle a été ta part dans le choix des rendus finaux ?
A l’origine du projet, il me semble que nous avions discuté d’insectes dans un jardin, de fourmis, de sauterelles, etc. Même si le thème fonctionnait très bien avec le jeu et son propos, ses mécaniques, c’est un thème déjà bien usité et nous craignions la redondance ou la confusion. Et au lieu de piocher dans les lieux communs, pourquoi ne pas inventer un univers propre, quelque chose d’unique ? D’où, finalement, des « insectes » mais « d’ailleurs », sur une autre planète.
Pour la création des créatures, pour éviter quand même quelque chose de trop cryptique ou trop éloigné des chemins connus, j’ai repris des formes et capacités d’insectes connus pour que le joueur puisse les identifier facilement, ici une araignée, là un escargot, un scarabée, un papillon…
– Est-ce que tu peux nous en dire plus sur ce sous-titre « Le Monde Perdu » ?
Un de mes livres de chevet est Le monde perdu d’Arthur Conan Doyle. Lumen c’est en clin d’œil cet aspect originel et primordial, comme le début d’un monde en devenir, comme une autre Terre qui aurait suivi une autre voie…
Lors de notre passage au chalet Un Monde de Jeu avec Bruno Cathala et Corentin Lebrat, les coauteurs de Lumen, Martin Vidberg a organisé une visio avec Vincent. Pour revivre cet échange Doubs-Corée c’est par ici :
Pour voir les superbes illustrations préparatoires de Vincent pour Lumen : Le Monde Perdu, consulter l’article Lumen sur Vincent Dutrait. Partie 1 .