Sliding in the Rain…
Bonjour à vous, est-ce que vous avez la patience de vous présenter en quelques mots ?
Bonjour, je m’appelle Flavien Dauphin, j’ai 41 ans et je suis prof de maths. J’ai commencé à faire des jeux à l’été 2019 et avec les précieux conseils de Benoit et aussi avec un tout petit peu de talent et de chance, j’ai pu voir mon nom apparaître sur deux jeux Djeco, Jungle Panic et Fish’n Shark et surtout j’ai mon nom à côté de celui de Benoit sur Umbrella, qui sortira bientôt chez Lumberjacks
Bonjour, moi c’est Benoit.
Commençons par la base, est-ce que cela a toujours été le thème des parapluies ?
Quand le jeu a commencé à être opérationnel, les plateaux personnels étaient des parking à soucoupes volantes et les passages piétons étaient des planètes sur lesquelles les soucoupes patientaient en attendant de pouvoir rentrer dans un parking. C’était très sympa mais peut-être un peu clivant. Ensuite nous avons eu l’idée des donuts : le plateau personnel représentait la boîte de donuts, les objectifs correspondaient aux commandes des clients et les passages piétons étaient des nappes sur lesquelles il y avait des donuts disponibles. Ce thème marchait très bien et c’est avec ce thème que nous avons présenté et signé le jeu avec Lumberjacks, puis nous avons découvert au festival de Cannes 2023, la présentation d’un jeu de Bruno Cathala appelé … Donuts. Même si les deux jeux n’ont rien à voir, nous avons tous été d’accord pour réfléchir à un autre thème. Nous avons listé les objets ronds vus de dessus qui nous passaient par la tête puis quand l’idée des parapluies a surgi, elle a vite été adoptée.
…et pourtant le concept du jeu vient pour une fois du thème, ce qui est assez rare de mon côté.
Comment l’idée de faire glisser des parapluies (donuts ?) est-elle née ? Y a-t-il eu un moment clé ou un événement particulier qui a déclenché cette idée ?
En Octobre 2022, Benoit a passé quelques jours en Espagne avec sa famille. Peu de temps après, nous faisons un repas ensemble, il me montre une photo du plafond d’une cathédrale et me dit : “J’aimerais bien faire un jeu où on fait glisser des vitraux rectangulaires pour construire le nouveau plafond de la cathédrale. ça te dit qu’on bosse ensemble là-dessus ?” Bingo, notre premier essai de co-autorat est né.
Le plafond de l’Almudena à Madrid est vraiment incroyable (à l’opposé de la façade d’une tristesse totale) et immédiatement en voyant ce plafond, je me suis dit qu’il fallait faire un jeu. ça m’arrive de temps en temps de voir quelque chose dans mes visites qui me donne envie de faire un jeu dessus mais c’est le premier qui est allé au bout, grâce à Flavien.
Quelles ont été les principales étapes du développement de « Umbrella » ? Pouvez-vous nous donner un aperçu du processus de création ?
Suite à la proposition de Benoit, j’ai rapidement fait un proto que nous avons testé ensemble. Faire glisser des rectangles à gauche ou à droite … ne marche pas ! Beaucoup trop contraint ! Nous avons vu de suite qu’il fallait pouvoir glisser à gauche, à droite mais aussi en haut et en bas. A partir de là, une idée est arrivée naturellement : jouer sur un carré central de 4 par 4 avec des jetons ronds et des objectifs à faire avec 4 jetons de la même couleur placés à un endroit précis. Hop, un nouveau proto fait, un nouveau test et là, ça marche ! Je suis assez fier (et surpris aussi) de voir qu’en seulement 2 tests, nous avons trouvé le cœur d’Umbrella, tout le reste n’étant que des ajustements pour rendre le jeu encore meilleur.
Le soir de notre première discussion sur le jeu, on a été piquer des kaplas à mes enfants pour faire nos premiers tests. Et au-delà de l’aspect trop contraint du gauche-droite par rapport aux 4 directions, c’est aussi la manipulation des kaplas qui nous a fait rapidement prendre conscience que les formes rectangulaires, ça se poussaient pas si facilement, et que pour l’ergonomie, les jetons ronds c’était quand même beaucoup mieux. Bye Bye le thème.
Quels étaient vos objectifs principaux en termes de gameplay et d’expérience de jeu pour « Umbrella » ?
Dès le départ, l’idée était de faire glisser un jeton depuis un côté du plateau, pour pousser toute une rangée et faire sortir un jeton en face. Nous voulions un jeu accessible par ses règles mais qui puisse faire chauffer le cerveau, avec en plus le côté un peu “régressif” du taquin.
Le casse-tête spatial était la base du jeu, avec cette notion de glisse / taquin. Partant de là, ça ne pouvait être qu’un jeu à interaction limitée, même si les pools de jetons communs contrebalancent un peu ça. Fluide et cérébral étaient clairement les maîtres mots du dév.
Y a-t-il eu des ajustements ou des changements majeurs au cours du développement du jeu ?
À partir du moment où on a fait glisser les jetons dans les 4 directions, il n’y a pas eu de réels changements majeurs. Par contre, pour rendre le jeu encore meilleur, on a dû faire certains ajustements. Nous avons rencontré quelques difficultés, notamment sur la gestion des objectifs et sur le scoring. C’est en réfléchissant à ces obstacles que nous avons pensé à “passe l’objectif fait à ton voisin” puis à la piste de score actuelle qui permet de créer des différences de points entre les joueurs sans être trop punitive et en ne permettant pas à un joueur de faire tous ses objectifs avec la même couleur.
Le cœur du jeu n’a jamais bougé mais la gestion du scoring et des objectifs ont vraiment beaucoup changé et on a passé énormément de temps à fluidifier tout ça. La difficulté majeure était probablement l’ergonomie visuelle où les joueurs devaient en permanence se repérer dans les 4 directions, ce qui a entraîné plein de contraintes.
Quelle part a joué l’esthétique visuelle du jeu dans son développement ?
Umbrella est un jeu plutôt abstrait et il nous semblait important de pouvoir trouver un thème qui donne envie de rentrer dans le jeu. Nous avons vite vu un côté très poétique dans les parapluies et Vincent Dutrait a vraiment compris notre attente et a fait un travail remarquable sur la texture des parapluies et sur la couverture qui reflète tout à fait l’esprit du jeu. Au-delà des illustrations superbes, il faut aussi souligner le soin apporté au matériel avec notamment des plateaux en double épaisseur et des palets en bois qui apportent un côté très qualitatif au produit fini. Sans tous ces acteurs qui ont œuvré pour Umbrella, notre idée n’aurait certainement pas cette fière allure !
Vu que c’est la claque visuelle de la cathédrale qui nous a lancé, ce n’est que justice pour le jeu que ce soit Vincent Dutrait (et Antoine à la DA) qui ait œuvré sur les illustrations. Et quel travail!
Concernant le jeu, la spatialisation et la mise en mouvement impliquaient qu’on avait toujours à l’esprit que sa figuration visuelle devait forcément une vue de dessus, avec des objets ronds. ça a à la fois guidé notre réflexion thématique mais aussi certaines logiques de règles thématiques.
Notes : la semaine prochaine nous publierons un Carnet d’Illustrateur par Vincent DUTRAIT
De quels aspects de « Umbrella » êtes-vous les plus fiers et pourquoi ?
Tout d’abord, je suis très fier d’avoir fait un jeu avec Benoit, sans qui je n’aurai pas emprunté le chemin de “l’autorat”. Ensuite, je suis impressionné et très fier du produit fini, du matériel aux illustrations en passant par les nombreux échanges entre les auteurs et Lumberjacks pour obtenir ce résultat. Enfin, je suis très fier de voir la réaction des quelques personnes qui ont déjà joué à Umbrella depuis 1 an : “c’est beau, c’est simple à comprendre mais en deux tours, on comprend qu’il va falloir réfléchir !” Je n’oublierai pas cette phrase “Il n’y a pas photo, Umbrella c’est mieux !” venant d’un groupe de 4 joueurs qui par hasard a fait une partie d’Umbrella suivie d’une partie d’un célèbre jeu abstrait avec des carreaux de mosaïque.
Fier de mon premier jeu avec Flavien. Heureux de continuer à travailler avec Antoine des Lumberjacks (et ça continue en 2025…), et d’avoir un 2e jeu illustré par Vincent Dutrait. mais probablement le plus fier de l’épure du jeu qui s’explique en quelques secondes.