Debrief // L’Ombre du Tigre

Vous découvrirez sur cette page un mot du scénariste, Tom Prothière, un recueil de citations des joueuses et des joueurs (merci à eux) nous ayant accompagné(e)s lors du développement du jeu.


L’ombre du tigre a été une sorte d’évidence pour moi, le genre de récit qui semble soufflé à l’oreille. Mais en y réfléchissant un peu plus, c’est un mélange entre différents témoignages qu’on m’a faits, des bribes de notre actualité, mais aussi mes craintes pour l’avenir. Il m’a semblé important d’essayer de toucher l’imaginaire des joueurs de ces trois façons.

C’est dans cette démarche que le drapeau n’est pas défini sur la carte 3 du chapitre 1. Définir un pays aurait immédiatement rattaché le récit à un lieu, une époque, un péril, alors que l’exil est malheureusement un thème universel. D’ailleurs, dans la même optique, cela peut tout autant être une frontière, qu’un checkpoint, qu’un camp, qu’une réserve… Vous avez sans doute choisi selon ce qui enflammait votre imaginaire, du moins je l’espère.

La carte 1 du chapitre 1, Les Adieux, est souvent questionnée également. Pour moi, il s’agit du père de l’enfant, et nous avons souvent évoqué des éléments qui permettraient d’enlever le doute sur cette question. Mais mettre un élément en avant vous oblige souvent à en mettre un autre en arrière, et en 13 cartes, les informations importantes sont à manier avec délicatesse. Nous avons préféré ne pas définir cet aspect-là.

Un autre exemple : l’enfant laisse-t-il tomber son doudou volontairement, ou est-ce un accident ? Nous avons pris tellement de plaisir à écouter ces discussions, qui témoignent des sensibilités de chacun, qu’il aurait été une trahison pour nous d’y répondre.

Des questions de ce type, il y en a encore beaucoup : l’enfant retrouve-t-il ses grands-parents ou des amis de la famille dans le chapitre 2 ? Pourquoi se bat-il à l’école ? Qui sont les hommes qui kidnappent sa famille ? Que font-ils à sa mère ? Sur cette dernière question, je voudrais revenir. Nous avons bien sûr longuement discuté de la dureté de cette scène. D’ailleurs, au stade du croquis, la carte 6, avec la main qui attrape sa mère, nous avait semblé trop violente. Mais après plusieurs tests, nous nous sommes rendu compte que le chapitre ne fonctionnait plus sans. Nous l’avons donc remise. Le nœud de cette histoire est le traumatisme, et nous ne pouvions pas y échapper. C’était le récit que nous avions choisi, nous nous y étions embarqués. Quant à savoir ce qu’ils font à sa mère et à sa sœur, au-delà de ma pudeur, il y avait le mécanisme de l’oubli, de la distanciation que vit l’enfant, qui me permettait de ne pas vous le montrer ni même de le définir clairement. Avec le recul, et après avoir observé des parties, l’émotion n’en est sans doute qu’accrue. On imagine notre pire, ou notre vécu, pour certains. Je vous demande pardon pour cette part de douleur, et j’espère de tout cœur que vous en serez soulagés, au moins en partie.

Le retour a été pensé comme nécessaire pour ne pas vous laisser sur cette note difficile. Qui a creusé ces trois tombes, et comment le père est mort (j’ai imaginé la troisième tombe comme étant celle du père), a été laissé de côté au profit du témoignage qu’il donne à sa fille, à l’idée que la chaîne de la souffrance se termine ici. Cet homme, désormais vieux, a fait le travail intérieur, le voyage et le témoignage pour s’émanciper et épargner autant que possible sa fille. Quant à ce qu’il est devenu, j’aime à imaginer qu’il vit un très bel hiver de sa vie, et vous ?

Tom


Nous vous remercions d’avoir joué à Fil Rouge avec ce premier scénario de L’Ombre du Tigre. Vous pouvez maintenant découvrir le recueil de citations en cliquant sur le petit + de chaque chapitre.

"C’est ça, peut-être qu'il a perdu ses parents dans un accident et qu'il va retrouver sa grand-mère."
"Il m'a l'air bien seul cet enfant"
"Quelqu'un a le petit garçon heureux sur une de ses cartes ?"
"Le tigre, qu’est ce qu'il fout là ? Pourquoi moi j’ai un tigre ? Mais je le mets où mon tigre ?"
"Peut-être que sa famille s'est faite massacrée par les Khmers verts ?"
"Le tigre, c'est un sentiment. Une métaphore"
"Il faut que tu fasses ça, il faut que tu partes !"
"Tu crois que c'est son père ? Pourquoi il partirait sans lui ?"
"Visiblement ils ont de la peinture sur eux.. peut-être que l'enfant a fait des bêtises avec le tableau d'un tigre vert ?
Ah mais il y a quelqu'un qui attend au fond près du camion !"
"On dirait un migrant caché dans un camion"
"Les papillons, c'est comme pour symboliser son envol d'un lieu difficile"
"Tu crois que le tigre est au fond du camion ?"
"C’est un espace officiel avec du barbelé. Un flic les autorise à passer, il pointe dans une direction. Ça fait comme si pendant une guerre, une famille fait fuir leur fils. Les barbelés, en vrai, ça me fait penser à un camp de concentration"
"- Les barbelés, en vrai, ça me fait penser à un camp de concentration
- Ou sinon c'est peut-être l'entrée du port..."
"Ooh ! Le petit prince !"
"Moi je dis qu'il part aux USA pour faire du biz"
"Il embarque de nuit"
"Son doudou est encore dans la valise"
"Sur la photo il a l'air heureux, avec sa grande soeur et ses parents"
"C'est peut-être à un mariage, ils sont habillés chic"
"Il est dans un hamac, il est anxieux, apeuré : il ne dort pas"
"Je ne sais pas où c'est dans le bateau, mais ils ne voyagent pas en 1ère classe"
"Il n’est pas très attentif à ce qui se passe autour de lui"
"Il doit être fatigué après sa nuit blanche"
"- Il a perdu son doudou dans l'eau
- Non, il jette sa vie d'avant, il perd un peu de son enfance. Il y a un côté symbolique là-dedans !"
"On voit le bateau de dos et il y a une ville d'arrivée au fond"
"C'est un gros bateau, genre Titanic, il en sort seul ou peut-être qu'il suit une personne au premier plan"
"Ah ! Mais moi aussi il pleut sur ma carte !"
"L'eau est symbolisée par une vague et une main pointe le chemin. Et le chemin que l'enfant va emprunter passe devant une croix, style hôpital"
"- Moi j'ai une carte avec un chemin en pointillés, qui va de l'eau jusqu'à une croix 
- Ah... mais c'est dessiné par terre ?
- Ben non, sur la carte.
- ..."
"Il a l'air perdu"
"Sa valise goutte, c'est après la pluie"
"Depuis que ses parents se sont fait manger par un tigre il fait moins le malin !"
"Peut-être qu’il arrive en famille d’accueil. Ou alors c'est sa grand-mère ? En tout cas il y a une dame qui le regarde par dessus ses lunettes"
"Il lui tend la photo pour lui dire d'où il vient"
"Hé mais regarde ! La première et la dernière carte sont verticales !"
"Ça m'a tout l'air d'un nouveau départ !"
"Je comprends rien, il y a plein de personnages différents"
"Moi je n'ai aucun petit garçon sur mes cartes"
"C’est juste après le moment où il est arrivé : il y a la valise encore trempée. C’est le couple qui a accueilli notre enfant"
"C'est quand même une grand-mère ingrate, elle pourrait lui donner un lit au lieu du canapé !"
"Le grand-père a une tête de "ça va aller" "
"Il arrive avec le ballon pour lui changer les idées. L'enfant a l'air un peu blasé. Et le papi c'est genre : "Viens jouer gamin !" "
"Attends, sur ta table, c'est une valise ou un cartable ? Parce que moi c'est clairement sa valise du voyage."
"Mamie est ready comme jamais, c'est une guerrière dans les buts"
"L'enfant a pas l'air très motivé pour faire un foot"
"Je crois que c'est sa future femme qui le stalke par dessus le mur"
"Est-ce qu’il fait ça pour faire rire l’enfant ? Il a envie de faire le guignol, il est drôle"
"- Elle ressemble à quoi ta valise ?
- Ben, à un cartable ancien."
"Pourquoi il se fait pêter la gueule ici ? Parce qu'il vient de débarquer. Genre "Toi, t'es nouveau, je te pète la gueule""
"C'est vraiment pas l'âge le plus facile, à l'école"
"Mamie lui fait une surprise"
"Elle essaye de le réconforter"
"C’est la fameuse photo qu’il regardait dans le bateau. Le vert, c’est relié à ses parents"
"Elle lui a encadré pour lui offrir !"
"C'est un bon plan d'offrir aux autres des cadeaux qui leurs appartiennent déjà..."
"Il a du duvet.. C'est la mauvaise période, y'a tout qui pousse n'importe comment !"
"Il serait pas amoureux cet ado ?"
"Regarde, c'est une ellipse, comme dans un film"
"C'est la même carte, mais ils ont tous vieilli, même l'arbre au fond !"
"La voisine a passé le mur !"
"Les grand-parents ont l'air content"
"- Tu vois la mariée ? 
- Oui. 
- Elle est comment ? 
- Elle est trop mignonne."
"Le cercueil est trop grand pour être celui de l'enfant"
"A mon avis c’est sa grand-mère qui est dans le cercueil"
"- La femme est enceinte ?
- Je ne crois pas, mais on ne voit pas son ventre."
"Il a des moustaches, c'est plus tard"
"Le décès lui rappelle la mort de ses parents et alors il fait un cauchemar. Le tigre, c’est la mort, ça représente la mort"
"Il se réveille en sursaut, en sueur. Il a du faire un mauvais rêve"
"Sa femme est enceinte"
"C'est comme s'il avait peur d’une menace qui plane sur son enfant"
"Il se revoit lui quand il était petit, sa vie défile devant ses yeux.
Qu’est ce qui se passe dans ce putain de pays ?
Oula, j'ai des cartes glauky glauky.
Bon, on le termine ce chapitre ? Je ne suis pas à l'aise..."
"- J'ai les deux cartes de début et de fin, elles sont verticales.
- Moi aussi j'ai des cartes verticales !
- Moi aussi !
- ... et merde."
"La petite fille dit : "Regarde l’affiche du tigre" "
"Il est passé devant l'affiche mais il ne l'a pas encore vue..."
"Moi il est justement en train de la regarder, mais on ne voit pas sa fille"
"Dans ce jeu, un tigre, c'est jamais une bonne nouvelle"
"Il tombe dans les pommes en regardant l’affiche. Sa fille essaie de le rattraper"
"Le souvenir est trop intense"
"Et bim, l'avc"
"- Tu crois qu'ils ont noyé son père ?
- Non regarde, c'est la main du héros, elle est dans la même position"
"Ce n'est pas possible que ce soit de l'eau.. c'est au ras du sol"
"Il tombe dans une zone verte, il sombre dans ses souvenirs..."
"Le papillon indique plutôt que c’est un flash-back. Il y a comme des soldats pendant une guerre qui abusent des locaux. On dirait comme un cartel"
"Il y en a un qui a un sourire de taré"
"C'est chaud : il y a une femme qui semble être la mère du garçon qui se fait agresser avec sa fille dans les bras"
"Ah ! Mais en fait ils sont en train de compter !"
"J'ai une carte pas facile... Je n'ai pas très envie de la décrire..."
"La mère du petit va se faire tuer !"
"Elle est effrayée. Un homme la tire par les cheveux"
"Il y a une main qui montre le chiffre 3. Ils comptent, dénombrent"
"Il tourne la tête parce qu'il ne veut pas voir ce qui se passe à 3..."
"Attendez, vous pensez que c'est 1, 2, 3 ou 3, 2, 1 ?"
"Il détourne le visage pour ne plus regarder cette scène"
"Quand il réouvre les yeux, la première chose qu'il voit c'est le tigre vert"
"Le tigre pourrait être le souvenir de ce trauma"
"Il rêve du tigre parce que c’est le tatouage de l’homme qui a tué ses parents"
"Bon ben maintenant on sait pourquoi il y a un tigre au début du 1er chapitre..."
"Il a pris 10 ans d'un coup"
"Je ne crois pas sourire comme ça quand un de mes patients se réveille..."
"Il émerge des cauchemars, et derrière lui il y a le regard du tigre qui le surveille"
"- Sa femme lui apporte ses vêtements.
- Oui enfin ils sont sales, il les avait dans la rue"
"On dirait qu'il a quelque chose à lui dire"
"J’ai peut-être le moment où il raconte son souvenir à sa femme"
"- Moi j'ai une carte où on voit dans un souvenir le petit garçon debout à côté de son père. 
- Il est comment son père ? 
- Assis sur une chaise avec une tasse et il lève un doigt.
- Je peux t'assurer que c'est pas son père."
"Elle le rassure. Comme si elle voulait le réconforter"
"Sur ma Elle le rassure. Comme si elle voulait le réconfortercarte il n'y a rien à part un tabouret et un câlin. Ça fait une belle fin."
"Il retourne dans son pays.
Il retourne se réparer."
"- Ça ne se finit pas si bien que ça, il y a toujours le rond vert. 
- Ah parce que tu penses que tu arriverais à complètement oublier toi ?"
"Ça me rappelle le câlin de la fin du chapitre 3"
"Il part avec sa fille en disant au revoir à sa femme"
"Sa fille a l'air de l'attendre, c'est elle qui a le billet dans la main"
"Il va avec sa fille sur les traces de son histoire"
"Ah mais oui, c'est le phare de la ville où il est arrivé enfant ! Donc c'est le point de départ du voyage"
"Mais si ! Regarde la grosse traînée dans l'eau"
"Il a ses jambes qui pendent comme quand il était petit garçon. Peut-être qu’il voyage jusqu’à sa terre natale"
"Il repense à quand il a perdu son doudou"
"Le ciel est un peu menaçant quand même"
"C'est assez intime mais pas voyeuriste. C'est presque une scène d'automne"
"Il est un peu inquiet de ce qu'il va trouver en arrivant"
"Elle réconforte son père. Moi, clairement flemme de réconforter le mien"
"Moi, sur la mienne, la scène est vue de l'extérieur"
"Pour le coup, sur la mienne, c'est l'inverse. C'est vu en gros plan de l'intérieur. En plus, là, elle est clairement en train de le servir"
"Ah mais il a plu !"
"- Je pense qu'ils vont monter dans le bateau. 
- Bin non, ils vont clairement prendre le bus."
"Il a l'air ultra déterminé, il sait où il va"
"Sa fille le suit mais elle prend un peu plus le temps de découvrir"
"Oh ! Les papillons sont de retour"
"Les papillons, on est d’accord que c’est le pays de son enfance ?"
"Ça ressemble à la maison du tout début.. mais défraichie, les volets sont tombés"
"Les tombes sont derrière la maison"
"Il s'effondre dès qu'il arrive sur place"
"Oui, il arrive, ça lui fait un gros choc et après « pfooouu ». Il est à genoux, il rend hommage. Il est tout seul face au truc donc il imagine sa famille"
"Il est clairement appaisé, presque en méditation"
"Ils repartent en fin de journée, le soleil est bas et les ombres allongées"
"La fille met sa main sur l'épaule de son père. Elle veut savoir s'il va bien après ça"
"Quelqu'un a un soleil vert ?"
"Il a un rond vert au dessus de sa tête. Un peu comme s'il se disait : "Je porte mon histoire""
"Encore un homme qui attend d'être vieux pour gérer ses problèmes !"
"Le drame s'éloigne de lui"
"C'est le trauma qui rétrécit.. mais il sera toujours là"
Point final.

“Nous souhaitons exprimer nos plus chaleureuses félicitations aux auteurs de Fil Rouge, Julien et Tom Prothière. Leur créativité et leur passion ont donné vie à un jeu qui touche profondément le cœur et l’esprit des joueuses et des joueurs. Merci pour cet “olni” narratif qui nous rappelle l’importance des émotions et des échanges humains dans le jeu.

Vous avez su créer une expérience unique et mémorable, et nous sommes honorés de pouvoir partager cette aventure avec vous.”

Les bûcherons

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